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Chronique littéraire rédigée suite à la lecture de M Le Mari de Marcela Iacub. "M Le Mari de Marcela Iacub", par Bertrand Mattei Marcela Iacub, directrice de recherche au CNRS dont les prises de position font souvent polémique (notamment sur la prostitution, la sexualité, le couple et l’adoption par des homosexuels qu’elle soutient), rendue célèbre pour de mauvaises raisons avec son roman “Belle et bête”, revient récemment sur le devant de la scène littéraire avec un livre intitulé “M le mari” (référence au film allemand “M le maudit”). “Mais qui ignore que le désir de ne pas savoir nous rend parfois aussi amnésiques que les victimes de traumatismes de guerre ou de grands accidents ?” interroge l’intellectuelle. Si savoir nous semble parfois impraticable, cela s’avère dans ce roman nécessaire. Au fil des pages de ce captivant polar, notre attention devient l’esclave de l’intrigue. Une intrigue qui s’aiguise, qui s’exalte sous nos regards asservis. Le tueur de la Vieille Lune personnifie l’obsession, chaque personnage incarne un suspect potentiel, on craint pour la narratrice, toute situation est redoutable, on appréhende le dénouement. Voici la description d’un page turner. Ce livre en est un. Marcela Iacub nous invite également à une réflexion quant aux disparités intellectuelles que l’on constate dans certains couples à la prééminence féminine. Comment les femmes peuvent-elles trouver leur place dans une conception bourgeoise et réactionnaire de l’union qui n’accepte la discordance intellectuelle qu’à condition que celle-ci ne vienne pas contrarier la gente masculine ? Est-il possible pour une femme de briller, librement, sans craindre d’éclabousser l’égo de son époux ? Autant de questions auxquelles l’auteur tente de donner, si ce n’est une réponse, au moins une légitimité. Marcela Iacub, que les papiers pour Libération ont hissé au rang de fascination dans le paysage intellectuel qui est le mien, écrit avec un style certain, acquis, inébranlable. Un formidable polar. Une réflexion sociale fascinante. Acheter (site de l'éditeur) M Le Mari Marcela Iacub Editions Michel Lafon Janvier 2016 219 pages 16,95 euros
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Cette chronique littéraire est parue dans le magazine MEGALO du mois de Mai 2016. Elle fait suite à ma lecture du Coran et de Penser L'Islam de Michel Onfray "Petit est le nombre de ceux qui réfléchissent (XL.58)", par Bertrand Mattei Bruxelles, mardi 23 mars 2016. Dernière démonstration sur la scène européenne du caractère belliqueux de l’EI (Etat Islamique). Prétendre ici à une surprise serait une ineptie. La furie de Daesh ne souffre d’aucune fatigue et ne connait pas l’inaction. Cela, nous le savions déjà, nous savions que ces attaques finiraient par arriver et nous savons qu’il y en aura encore d’autres. Consternation : toujours. Etonnement : certainement pas. Je ne ferai ni l’apologie du rassemblement, ni l’étalage de la commisération. “Ni pleurer, ni rire, mais comprendre” disait Spinoza. Allons, comprenons. Nous devrions tout d’abord arrêter de penser que l’islam est uniquement une religion de paix, d’amour et qu’il est tout à fait compatible avec les valeurs de la République. Cette allégation que d’aucuns colportent sans en avoir la moindre idée empêche de réfléchir. L’islam est le berceau de la contradiction (comme le sont le judaïsme et le catholicisme). Selon qu’on soit un pratiquant intégré ou un pratiquant intégriste, on trouvera dans le coran des sourates qui permettront de justifier sa pratique. Affirmer cela serait devenu fâcheux, mais “si les signes vous fâchent, ô combien vous fâcheront les choses signifiées !” (Rabelais). On peut par exemple lire dans le coran la sourate VIII intitulée “Al Anfal” (le butin) pour observer certains des textes sur lesquels s’appuie l’EI. En voici un extrait : “Vous ne les avez pas tués (vos ennemis). C’est Dieu qui les a tués. Lorsque tu portes un coup, ce n’est pas toi qui le portes, mais Dieu qui éprouve ainsi les Croyants par une belle épreuve” (VIII.17). Second extrait : “Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de luttes doctrinales (guerre civile, désordre civil), et qu’il n’y ait pas d’autre religion que celle de Dieu” (VIII.39). Dernier extrait : “Si vous n'agissez pas ainsi [en rompant les liens avec les infidèles], il y aura discorde sur terre et grand désordre” (VIII.73). Une fois que l’on a accepté cela, on peut à juste titre se demander comment pratiquer en France une religion qui prône la “prédominance” des hommes sur les femmes (II.228) et atteste que “les hommes ont autorité sur les femmes” (IV.34), qui fait de l’homosexualité un “outrage” (VII.81) ou qui permet aux activités terroristes de l’EI de faire sens (VIII.7, VIII.12, VIII.17, VIII.39). La république doit ouvrir ses bras à l’islam et proposer un islam républicain qui condamnerait les sourates belliqueuses et prônerait les sourates qui permettent la pratique de cette religion en France. La France est un pays qui nous appartient à tous, chrétiens, juifs, musulmans, agnostiques, athées. Il nous faut impérativement faire passer la liberté, l’égalité et la fraternité avant nos pratiques communautaires. Comme l’ont fait les catholiques en mettant de côté l’ancien testament pour lui préférer le nouveau testament et comme le font les athées en respectant des croyances qui souvent leurs semblent absurdes, il nous faut aujourd’hui trouver un moyen d’adapter l’islam à la République, pour que nous puissions cesser de stigmatiser et d’isoler la communauté musulmane et permettre aux français musulmans d’exercer une pratique républicaine de leur religion. Le malaise perdurera tant que l’Etat laissera l’islam dans ce flou idéologique, tant “que ces pantins décérébrés qui traitent de fasciste l’intellectuel qui pense en regard de l’Histoire et non en regard de leur réélection” n’auront pas fait preuve de “moins de testostérone et [de] plus de matière grise” (Michel Onfray). Dans un livre paru le 16 Mars 2016 chez Grasset et intitulé “Penser l’Islam”, Michel Onfray pose les problèmes et les incohérences, il met en perspective les écrits et propose des solutions. Sans celles-ci, comment ne pas attendre de prochaines attaques ? Si les politiques ne s’extraient pas d’urgence du pathos pour se réconcilier avec la pensée, comment croire à des jours meilleurs ? “Ni pleurer, ni rire, mais comprendre”. C’est ce que nous propose Michel Onfray dans ce remarquable ouvrage que je recommande à toutes et à tous. L’écriture et le propos sont très accessibles, ne passez pas à côté. Voir l'article dans le magazine MEGALO Acheter (site de l'éditeur) Penser L'Islam Michel Onfray Editions Grasset Mars 2016 180 pages 17 euros Critique publiée dans le magazine MEGALO du mois de Mars 2016
FABRICE LUCHINI, “COMEDIE FRANÇAISE - ÇA A DEBUTE COMME CA” Mercredi 2 Mars, 10 heures. Le rideau se lève, le rideau métallique de la Fnac. J’escalade deux par deux jusqu’au premier, j’accède au second essoufflé, j’arrive au troisième époumoné. 19€ plus tard, je suis fier d’être le premier niçois à posséder ce livre que tant de fans névrosés se seront pressés d’acquérir. Il s’agit de “Comédie française - Ca a débuté comme ça…”. Premier livre de Fabrice Luchini. Je l’ouvre à 10 heures et termine ma seconde lecture avant d’aller me coucher. Bertrand Mattei I 3 Mars 2016 I Critique littéraire La Fontaine, Molière, Rimbaud, Valéry, Céline, Nietzsche, Barthes, Baudelaire, Muray… Ce livre, c’est la rencontre de Fabrice Luchini avec la littérature, ou plutôt et pour le citer, son accès au répertoire. Le répertoire, l’ensemble des chefs d’oeuvre, des auteurs qui ont modifié, bouleversé, révolutionné l’usage de notre langue. Cioran disait de Rimbaud qu’il a "émasculé la poésie pour un siècle. Voilà la condition des génies. Ils rendent impossible leur suite. Le répertoire, ce sont ces génies, ce sont ceux qui ont rendu impossible leur suite". Le piège serait de penser que ce livre est chiant. L’embûche serait de dire que "La Luchina, faute de se meubler le derche, elle se meuble l’esprit". Luchini nous aide à comprendre la sublime des grands génies de la littérature française. Il accompagne le lecteur dans la compréhension de l’incompréhensible Rimbaud et de son abasourdissant poème Le Bateau Ivre : Rimbaud : Dans les clapotements furieux des marées Luchini : On descend doucement avec lui (…) Rimbaud : La tempête a béni mes éveils maritimes Luchini : D’un trait, c’est du Pink Floyd, sous LSD (…) Rimbaud : Des écroulements d’eau Luchini : Tu n’as que te laisser aller, c’est du Beethoven (…) Rimbaud : Cataractant Luchini : Ca y est, ils nous aide, ils nous aide, il nous aide, l’enculé (…) Rimbaud : Si je désire une eau d’Europe, c’est la Flache Luchini : “Flache” en patois des Ardennes veut dire “flaque d’eau”. La Flache ! Il aurait pu dire la flaque, merde ! Là , il y a quelque chose non pas de poseur mais de vrai casse-couilles chez Rimbaud. “Le passage d’Arthur Rimbaud est une des aventures les plus extraordinaires qui soient arrivées à l’humanité” dit Jacques Rivière. "Mais c’est tout. Il n’en dira pas plus, il ne dira pas le secret. Rimbaud est odieux. (…) Tout est aristocratique chez Rimbaud : c’est un antipathique. Il n’a aucune volonté de donner accès à sa poésie. Il se tient à distance. C’est un solitaire". Luchini, c’est l’inverse. il rend accessible le plus haut niveau de la langue française. Pour servir son propos, l’auteur n’hésite pas à nous raconter sa première expérience sexuelle : "un peu tremblant je rejoins la chambre, il se ramène avec un Caméscope, prêt à filmer. Je suis chez les dingues. J’ai le temps de la glisser, mais tout de suite après, comme un personnage de Truffaut, je prends mes affaires et je m’enfuis"… Il va de Molière à N’oubliez pas les paroles de Naguy, du Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes au JT de David Pujadas, des meufs qui l’obsèdent à Nietzsche. Si cette autobiographie me tient à coeur, c’est parce que si Luchini nous livre sa rencontre avec la littérature, il est ma rencontre avec la littérature, il est ma rencontre avec le répertoire, il est la source de mon histoire d’amour avec Arthur Rimbaud, il est la racine de mon identification à Alceste, du Misanthrope de Molière. Demain cela pourrait-être la votre. Mais en attendant et comme il dirait, pour le citer une dernière fois : “C’est du lourd. C’est du très lourd”. |
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