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Je le vois avec son manteau d’intentions, son regard dans lequel je me suis trompé, dans lequel je me suis vautré. Je me dis « sacré Je » ; pollueur sans âge.
Quant à elle, je l’entends avec ses discours de Vogueur. Je m’en réjouis car ils sont pleins d’agréables perspectives. Serait-ce une main amie ? Voyons. Comme si j’avais le choix. Vogueur, mais pas à ce point là. J’ai du vent plein les cheveux, de l’horizon dans le regard et de la distance au bout des doigts. J’entrecroise mes phalanges et je serre mes mains l’une contre l’autre. Je lève les yeux vers le ciel : je suis un païen en pleine prière, je suis l’aveugle qu’aucun obstacle n’égare. J’oublie le passé, je souris pour l’instant… Encore moi. Alors j’imagine une vieille table près d’une fenêtre. J’ai les cheveux gris, des rides plein le front, comme celles qui se sont déjà déposées sur mes phalanges. Des marques du temps en somme, celles que j’aurai reniées des années durant mais qui auront eu raison des mes obsessions. « Il arrive un moment où il faut être raisonnable » disait ma grand-mère : et bien tu vois, j’y serai. Il y aura peut-être des oiseaux, peut-être même qu’il y aura des chats et la rivière coulera. Elle ne sera plus là, à peine Valeria. Quid de ces femmes ? Toutes ailleurs. « Mais pas une main amie » disait Rimbaud. À moins que d’ici là… Le vent. Toujours le vent. Le vent qui effleure et qui parfois saisit, le vent qui caresse et dépose une intime mélodie, le vent qu’on ne pourra jamais cueillir mais qui nous offre sa chanson. Des salutations à la mère divine, accompagnées d’une profonde vénération ; et voilà que je l’écoute chanter. Quel bel air…
1 Commentaire
Lâche ! Toi qui écorche les sons de ton accent qui mortifie, toi qui relègue à l’étrange les mélodies qui te sont étrangères : lâche et laisse se vautrer les effluves sublimes sur la richesse du Vogueur que plus rien n’esquive. Oh toi ! Je t’ai vu chevaucher vaillamment des coulées de sens qui font briller l’envie et nourrissent le poète, je crois même t’avoir vu triompher des marécages citadins et dompter l’inanité du présent sans topo d’éternel. Misérable dompteur ! Lorsque tu t’abreuveras des boissons sèches qui rassasient, tu ne pourras me défier, car j’ai trouvé mon chemin à travers les myriades de possibles qu’arborent fièrement les athées.
Une ébauche de bleu horizon esquisse le portrait de l’avant-jour : l’aurore va percer le ciel mais je n’ai plus l’exigence de la nuit. L’orage et ses bourrasques ont fait parler les rêves. L’effroi s’éloigne, l’indigence dérive. Moi, j’invente un nouveau cap. Les vagues de la mer moderne caressent l’étrave et les rayons du soleil indiquent des paysages que nul ne connait. On ne peut croire en ces îles profondes qu’en ayant foulé leurs terres où seuls les Vogueurs ont pied. D’autres s’y sont risqués mais ils se sont noyés. Ils agonisent sur les rives invincibles. Le planeur n’a d’autre destin que le plan du vent.
Après avoir erré dans des jungles immobiles, j’ai vu le poudroiement de l’eau claire. J’y ai séché mes réflexes et j’ai plongé vers l’exploit. C’est le visage sous l’eau que je respire le mieux, car il faut asphyxier les allures pour pouvoir couronner l’esprit. Les bas-fonds ont distillé des larmes d’orbites sans regard, des bas sans fonds qui talonnèrent l’élan que plus rien n’égare. Saoulé du bruit mais ivre d’envie, j’élude l’appétence d’une présence et je marche sur les sables étincelants que nulle ombre n’attriste. Je connais les ravages des fallacieuses tornades qui dévorent galamment de radieux paysages, les volcans amnésiques aux déhanchés mondains qui goudronnent les feux sous des laves narcissiques, j’ai appris que les braises qui ébranlent l’océan se calcinent en fournaises condamnées au néant et que quiconque tend à ces acoquinements - à trop vouloir paraitre - finit par disparaitre. Point d’orgueil, mais point de séquelles imaginaires. Dans mon vaisseau de cristal je nage vers un horizon sans dessein. J’ai vu les plages vides des pays qui se vengent et les doigtés brulants qui s’évaporent sur ma peau sont désormais mon joujou. Ces regards qui méprisent l’homme me rassasient pour autant que les projets d’un enfant mais je sais qu’ils m’emmènent vers d’implacables rizières où un jour pousseront les fruits des terres dénouées.
Nice, 14 Juillet, 22 heures. Alors que les fulgurances du feu d'artifice embrasent la Baie des Anges, un homme fraîchement radicalisé et dangereusement illuminé conduit son 19 tonnes en direction de Magnan. Cet homme s'apprête à exécuter un monstrueux projet qu'il a depuis des jours minutieusement pensé et méticuleusement préparé.
Il est 22h20 sur la Promenade des Anglais et trente-mille personnes admirent de concert les phosphorescences qui se succèdent dans le ciel sous le bruit enivrant des pétards. Trente-mille personnes dont niçois et touristes, familles et amis, amoureux et amants. Tous avec les mêmes regards constellés d'étoiles. Suivi d'une pluie d'applaudissements, le bouquet final vient parfaire la performance. Certains hâtifs se pressent pour regagner la ville. D'autres - la grande majorité - restent sur place. Au même moment, à Paris, un festival pyrotechnique s'amorce autour de la Tour Eiffel. BFM et iTélé diffusent en direct les images du spectacle dont le thème de cette année est inspiré du roman d'Hemingway : "Paris est une fête". Si Paris est une fête, Nice s'apprête à tomber dans l'horreur. Il est 22h45 et Mohamed Lahouaeij-Bouhlel fait son entrée sur la Promenade des Anglais au niveau de Fabron. Son 19 tonnes devient désormais un camion-bélier qui s'élance sur la foule. Son slalom funeste s'achève face au Palais de la Méditerranée. 22h50, il est exécuté par deux policiers. Avec lui, il emporte quatre-vingt quatre vies. Derrière lui, il laisse deux cent quatre-vingt six blessés. Quatre-vingt quatre âmes qui accusent de leurs vies les dérives du fanatisme. Le mot "attentat" n'est pas encore assumé mais BFM et iTélé interrompent leurs programmes et lancent leurs éditions spéciales. Rapidement, ce sont toutes les caméras du monde qui sont braquées sur Nice. Les témoignages se succèdent autant que les lectures de l'événement qui vient d'avoir lieu divergent. Arthur Rimbaud disait de la morale qu'elle est la faiblesse de la cervelle. "Acquise sans aucune réflexion, elle s'imprime en nous à nos dépens. Elle est un danger si elle n'est pas atténuée par la pensée raisonnable". La pensée raisonnable, voilà notre devoir si nous voulons honorer la mémoire de ceux qui nous ont quitté. Bougies et billets doux, des prières à genoux, des télés, des directs, des gens qu'on interviewe, de belles allocutions, des passants à Hollande, lui dont l'élocution ne fera la légende. On dépose des fleurs, on dépose des pleurs, on partage un instant ce qu'on a sur le cœur. On dit l'indignation, la commisération, et les Spleens de Baudelaire incarnent nos émotions. Et pourtant il nous faut raisonner et rejeter la colère plutôt que de composer avec elle. Si les politiciens doivent d'urgence solutionner la menace terroriste, notre devoir à tous est de ne pas faire courber notre tolérance sous les coups hargneux des endoctrinés. Si Daesh est un problème, celui de nos jeunes qui cèdent à leurs sirènes en est un autre. Ne les jetons pas dans leurs bras barbares en les stigmatisant. Lors des attentats de Paris, l'équipe de Charlie Hebdo avait choisi un dessin de Luz sur lequel celui-ci écrivait "tout est pardonné". Voici ce qui me semble être la pensée raisonnable qui nous permettra à tous de surmonter notre aigreur. Latifa Ibn Ziaten, dans le Nice Matin du Jeudi 28 Juillet, nous rappelle qu'il ne faut pas rester les bras croisés. "Il faut chercher, comprendre pour trouver des solutions". Cette grande dame le dit : "il y a beaucoup de Merah [...]. C'est arrivé et ça arrivera encore". Elle a choisi de se déplacer dans les quartiers et dans les prisons pour prôner les valeurs de la République. À chacun d'entre-nous de faire ce qu'il peut, à son niveau... Aujourd'hui nous devons dépasser l'épouvante, surmonter la rancune et faire triompher la tolérance. Nous venons de le voir avec l'assassinat du père Jacques Hamel : nous n'en n'avons pas fini avec le terrorisme. Mais nous pouvons toujours profiter de notre belle promenade, de ses innombrables nuances de bleus et de ses galets qui font mal aux pieds, afin qu'encore et toujours raisonnent dans nos têtes les paroles de cette chanson qui ici fait sens : "Toujou iéu canterai, souta li tiéu tounella, la tiéu mar d'azur, lou tiéu cièl pur. E toujou griderai en la miéu ritournella : VIVA, VIVA, NISSA LA BELLA". L'amour, c'est déroutant l'amour. Un vagabond mystérieux, insaisissable, indiscernable. L'amour, longtemps inobservable, prend forme lorsqu'il surgit dans nos vies. Il destitue les principes et détrône le bon-sens. Il pulvérise le libre arbitre pour cette passion qui débauche la raison. Ces derniers temps je l'observais là où d'aucuns le pensaient fallacieux. L'imparable amour s'était emparé de moi alors que la masse des mauvais et des médiocres l'avait jugé artificiel, décrété illusoire. "Personne n'est méchant volontairement" disait Platon, il fallait donc que cette masse soit foutrement cupide pour paresser le constat d'une telle évidence.
L'âme ne s'y attendait pas et moi je ne l'envisageais pas. Mais que faire face au destin lorsqu'il décide de diriger nos vies et de ne laisser aucune chance à la maitrise ? L'âme ne le voyait pas et moi je ne la regardais pas. Seulement, nos regards se croisèrent et l'évidence battait désormais la cadence. Nous décidâmes de nous y abandonner. (à suivre...) Alain, je tiens à te remercier pour ton aide et pour tes précieux conseils qui m'ont beaucoup aidés dans l'écriture de ce texte. |