Menu
Nice, 14 Juillet, 22 heures. Alors que les fulgurances du feu d'artifice embrasent la Baie des Anges, un homme fraîchement radicalisé et dangereusement illuminé conduit son 19 tonnes en direction de Magnan. Cet homme s'apprête à exécuter un monstrueux projet qu'il a depuis des jours minutieusement pensé et méticuleusement préparé.
Il est 22h20 sur la Promenade des Anglais et trente-mille personnes admirent de concert les phosphorescences qui se succèdent dans le ciel sous le bruit enivrant des pétards. Trente-mille personnes dont niçois et touristes, familles et amis, amoureux et amants. Tous avec les mêmes regards constellés d'étoiles. Suivi d'une pluie d'applaudissements, le bouquet final vient parfaire la performance. Certains hâtifs se pressent pour regagner la ville. D'autres - la grande majorité - restent sur place. Au même moment, à Paris, un festival pyrotechnique s'amorce autour de la Tour Eiffel. BFM et iTélé diffusent en direct les images du spectacle dont le thème de cette année est inspiré du roman d'Hemingway : "Paris est une fête". Si Paris est une fête, Nice s'apprête à tomber dans l'horreur. Il est 22h45 et Mohamed Lahouaeij-Bouhlel fait son entrée sur la Promenade des Anglais au niveau de Fabron. Son 19 tonnes devient désormais un camion-bélier qui s'élance sur la foule. Son slalom funeste s'achève face au Palais de la Méditerranée. 22h50, il est exécuté par deux policiers. Avec lui, il emporte quatre-vingt quatre vies. Derrière lui, il laisse deux cent quatre-vingt six blessés. Quatre-vingt quatre âmes qui accusent de leurs vies les dérives du fanatisme. Le mot "attentat" n'est pas encore assumé mais BFM et iTélé interrompent leurs programmes et lancent leurs éditions spéciales. Rapidement, ce sont toutes les caméras du monde qui sont braquées sur Nice. Les témoignages se succèdent autant que les lectures de l'événement qui vient d'avoir lieu divergent. Arthur Rimbaud disait de la morale qu'elle est la faiblesse de la cervelle. "Acquise sans aucune réflexion, elle s'imprime en nous à nos dépens. Elle est un danger si elle n'est pas atténuée par la pensée raisonnable". La pensée raisonnable, voilà notre devoir si nous voulons honorer la mémoire de ceux qui nous ont quitté. Bougies et billets doux, des prières à genoux, des télés, des directs, des gens qu'on interviewe, de belles allocutions, des passants à Hollande, lui dont l'élocution ne fera la légende. On dépose des fleurs, on dépose des pleurs, on partage un instant ce qu'on a sur le cœur. On dit l'indignation, la commisération, et les Spleens de Baudelaire incarnent nos émotions. Et pourtant il nous faut raisonner et rejeter la colère plutôt que de composer avec elle. Si les politiciens doivent d'urgence solutionner la menace terroriste, notre devoir à tous est de ne pas faire courber notre tolérance sous les coups hargneux des endoctrinés. Si Daesh est un problème, celui de nos jeunes qui cèdent à leurs sirènes en est un autre. Ne les jetons pas dans leurs bras barbares en les stigmatisant. Lors des attentats de Paris, l'équipe de Charlie Hebdo avait choisi un dessin de Luz sur lequel celui-ci écrivait "tout est pardonné". Voici ce qui me semble être la pensée raisonnable qui nous permettra à tous de surmonter notre aigreur. Latifa Ibn Ziaten, dans le Nice Matin du Jeudi 28 Juillet, nous rappelle qu'il ne faut pas rester les bras croisés. "Il faut chercher, comprendre pour trouver des solutions". Cette grande dame le dit : "il y a beaucoup de Merah [...]. C'est arrivé et ça arrivera encore". Elle a choisi de se déplacer dans les quartiers et dans les prisons pour prôner les valeurs de la République. À chacun d'entre-nous de faire ce qu'il peut, à son niveau... Aujourd'hui nous devons dépasser l'épouvante, surmonter la rancune et faire triompher la tolérance. Nous venons de le voir avec l'assassinat du père Jacques Hamel : nous n'en n'avons pas fini avec le terrorisme. Mais nous pouvons toujours profiter de notre belle promenade, de ses innombrables nuances de bleus et de ses galets qui font mal aux pieds, afin qu'encore et toujours raisonnent dans nos têtes les paroles de cette chanson qui ici fait sens : "Toujou iéu canterai, souta li tiéu tounella, la tiéu mar d'azur, lou tiéu cièl pur. E toujou griderai en la miéu ritournella : VIVA, VIVA, NISSA LA BELLA".
4 Commentaires
Ce billet d'humeur a été publié dans le magazine MEGALO (Décembre 2015). Sous forme de tribune, cet article revient sur les attentats du 13 Novembre 2015. Factice religion ; c’est au nom d’un irrévérencieux Islam que l’ignominie s’abat encore sur notre société. L’idolâtrie démesurée que des hommes persévèrent à perpétuer nous plonge à nouveau dans l’horreur.
Le la fut donné dès le prologue de cette année 2015. Alors que nous découvrions l’oppression des consciences, celle qui empêche par la force et l’intimidation l’exécution de nos valeurs, nous prenions acte de la cruelle ambition qu’un état dit islamique dessinait en nous. Unis nous étions, unis nous demeurons. Nous devînmes Charlie et fûmes même solidaires, mais oubliâmes aussi l’obligée surenchère. Ce Vendredi 13 Novembre 2015 nos portables s’affolent et nous inondent d’effroyables notifications. Abasourdis, nous découvrons la sanglante réplique des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher. Toutefois, ces attentats ont quelque chose de fondamentalement différent. Ce ne sont plus des symboles auxquels s’attaque l’organisation terroriste Etat Islamique, il s’agit cette fois d’une folie meurtrière avec pour unique passion la haine et l’imprévisibilité pour seule stratégie. Une première explosion au Stade de France, suivie d’une deuxième. Retentissent ensuite les fusillades qui viseront successivement Le Carillon et Le Petit Cambodge. Puis, nouvelles séries de tirs. La brasserie Café Bonne Bière, le restaurant Casa Nostra et le restaurant La Belle Equipe, rue de Charonne, en sont les cibles. Au même moment, trois hommes pénètrent dans le Bataclan et ouvrent le feu sur la foule. Quelques minutes plus tard, un troisième homme se fait exploser aux abords du Stade de France. Terrifiant bilan : 130 morts et 352 blessés. Nous sommes tous sous le choc. Déconcertés, décontenancés ; dévastés. D’ineffables émotions s’emparent de nos esprits en cette nuit noire. Essayer de les décrire les amoindrirait certainement. Et pourtant, nous devrions continuer de vivre sans amender nos habitudes. Il nous faudrait - plus que jamais - honorer nos traditions de verres en terrasses et de manifestations culturelles. C’est donc le coeur gros et l’âme vaillante que chacun continue son ordinaire existence, faisant ainsi un pied de nez à cet immonde antagoniste que l’on appelle Daech. Sans pour autant oublier ceux qui n’auront plus la chance de s’unir à nous dans ce combat. Molière recevait en 1663 une lettre de Boileau dans laquelle celui-ci écrivait : “Laisse gronder tes envieux, ils ont beau crier en tous lieux, qu’en vain tu charmes le vulgaire (…), si tu savais un peu moins plaire, tu ne leur déplairais pas tant”. C’est ce que nous disent toutes ces nations qui illuminent des couleurs de notre drapeau les façades de leurs impériales bâtisses. Ennuyés par la politisation du combat idéologique, nous sommes encore une fois unis par nos desiderata de contre-offensive. Rares sont ceux qui imaginent que nous puissions sommairement poursuivre nos vies insouciantes sans faire gronder notre force militaire. Rares, mais pas absents. Le philosophe Michel Onfray s’impose et crève l’écran avec sa pensée pacifiste, se heurtant ainsi à l’idéologie de Bernard-Henri Levy, lequel encourage directement François Hollande à intensifier les frappes sur Daech. Gageons que tout un chacun souhaite éradiquer cette menace terroriste. Quel est donc le dogme du triomphe de notre liberté ? Est-il seulement politique ? Certainement pas. Il nous faut aujourd’hui dépasser la phobie pour ne pas sombrer dans la névrose, contrôler nos peurs et dompter l’épouvante. Si d’habiles politiciens ont choisi l’anxiété pour fonds de commerce, ils ne font que donner naissance à une force en vertu de laquelle certains corps se repoussent mutuellement, une vive répugnance physique ou psychologique pour quelqu’un, quelque chose (définition de la répulsion selon le dictionnaire Larousse). Tuons en nous l’angoissé, le craintif, l’asocial, le foireux. Elevons-nous à un niveau gracieux, à l’image de l’éminente Latifa Ibn Ziaten, mère de Imad Ibn Ziaten, tombé sous les balles de Mohammed Merah le 11 Mars 2012. Cette grande dame prône la laïcité et fait l’éloge du dialogue inter-religieux. Elle nous explique “que les terroristes veulent nous séparer et qu’il ne faut pas tomber dans le piège”. Un jour peut-être, nous vaincrons l’intolérance et le fanatisme. Pour cela, nous avons tous un rôle primordial à jouer. Comme pour l’environnement, la transition commence avec nos propres habitudes. Rejetons la peur et ouvrons nos bras à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. Certes les politiciens ont des responsabilités qu’ils doivent affronter. Bashar El-Assad et Daech sont des problèmes incontournables pour eux. Mais au delà de cela, chacun d’entre nous peut contribuer à l’élaboration d’une société plus saine. Ne tombons pas dans l’étroitesse d’esprit. Riche d’une doctrine exemplaire pour le reste du monde, la France a toujours brillé dans l’histoire. Si cette doctrine est aujourd’hui mise à rude épreuve, faisons la fierté des générations à venir et honorons la mémoire de ceux qui nous ont quittés en faisant preuve de maestria intellectuelle, dans l’exécutable perspective que ces massacres puissent enfin appartenir au passé. Le plus vite possible. “Le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres” (Romain Gary). |