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Je le vois avec son manteau d’intentions, son regard dans lequel je me suis trompé, dans lequel je me suis vautré. Je me dis « sacré Je » ; pollueur sans âge.
Quant à elle, je l’entends avec ses discours de Vogueur. Je m’en réjouis car ils sont pleins d’agréables perspectives. Serait-ce une main amie ? Voyons. Comme si j’avais le choix. Vogueur, mais pas à ce point là. J’ai du vent plein les cheveux, de l’horizon dans le regard et de la distance au bout des doigts. J’entrecroise mes phalanges et je serre mes mains l’une contre l’autre. Je lève les yeux vers le ciel : je suis un païen en pleine prière, je suis l’aveugle qu’aucun obstacle n’égare. J’oublie le passé, je souris pour l’instant… Encore moi. Alors j’imagine une vieille table près d’une fenêtre. J’ai les cheveux gris, des rides plein le front, comme celles qui se sont déjà déposées sur mes phalanges. Des marques du temps en somme, celles que j’aurai reniées des années durant mais qui auront eu raison des mes obsessions. « Il arrive un moment où il faut être raisonnable » disait ma grand-mère : et bien tu vois, j’y serai. Il y aura peut-être des oiseaux, peut-être même qu’il y aura des chats et la rivière coulera. Elle ne sera plus là, à peine Valeria. Quid de ces femmes ? Toutes ailleurs. « Mais pas une main amie » disait Rimbaud. À moins que d’ici là… Le vent. Toujours le vent. Le vent qui effleure et qui parfois saisit, le vent qui caresse et dépose une intime mélodie, le vent qu’on ne pourra jamais cueillir mais qui nous offre sa chanson. Des salutations à la mère divine, accompagnées d’une profonde vénération ; et voilà que je l’écoute chanter. Quel bel air…
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Une ébauche de bleu horizon esquisse le portrait de l’avant-jour : l’aurore va percer le ciel mais je n’ai plus l’exigence de la nuit. L’orage et ses bourrasques ont fait parler les rêves. L’effroi s’éloigne, l’indigence dérive. Moi, j’invente un nouveau cap. Les vagues de la mer moderne caressent l’étrave et les rayons du soleil indiquent des paysages que nul ne connait. On ne peut croire en ces îles profondes qu’en ayant foulé leurs terres où seuls les Vogueurs ont pied. D’autres s’y sont risqués mais ils se sont noyés. Ils agonisent sur les rives invincibles. Le planeur n’a d’autre destin que le plan du vent.
Après avoir erré dans des jungles immobiles, j’ai vu le poudroiement de l’eau claire. J’y ai séché mes réflexes et j’ai plongé vers l’exploit. C’est le visage sous l’eau que je respire le mieux, car il faut asphyxier les allures pour pouvoir couronner l’esprit. Les bas-fonds ont distillé des larmes d’orbites sans regard, des bas sans fonds qui talonnèrent l’élan que plus rien n’égare. Saoulé du bruit mais ivre d’envie, j’élude l’appétence d’une présence et je marche sur les sables étincelants que nulle ombre n’attriste. Je connais les ravages des fallacieuses tornades qui dévorent galamment de radieux paysages, les volcans amnésiques aux déhanchés mondains qui goudronnent les feux sous des laves narcissiques, j’ai appris que les braises qui ébranlent l’océan se calcinent en fournaises condamnées au néant et que quiconque tend à ces acoquinements - à trop vouloir paraitre - finit par disparaitre. Point d’orgueil, mais point de séquelles imaginaires. Dans mon vaisseau de cristal je nage vers un horizon sans dessein. J’ai vu les plages vides des pays qui se vengent et les doigtés brulants qui s’évaporent sur ma peau sont désormais mon joujou. Ces regards qui méprisent l’homme me rassasient pour autant que les projets d’un enfant mais je sais qu’ils m’emmènent vers d’implacables rizières où un jour pousseront les fruits des terres dénouées. L'amour, c'est déroutant l'amour. Un vagabond mystérieux, insaisissable, indiscernable. L'amour, longtemps inobservable, prend forme lorsqu'il surgit dans nos vies. Il destitue les principes et détrône le bon-sens. Il pulvérise le libre arbitre pour cette passion qui débauche la raison. Ces derniers temps je l'observais là où d'aucuns le pensaient fallacieux. L'imparable amour s'était emparé de moi alors que la masse des mauvais et des médiocres l'avait jugé artificiel, décrété illusoire. "Personne n'est méchant volontairement" disait Platon, il fallait donc que cette masse soit foutrement cupide pour paresser le constat d'une telle évidence.
L'âme ne s'y attendait pas et moi je ne l'envisageais pas. Mais que faire face au destin lorsqu'il décide de diriger nos vies et de ne laisser aucune chance à la maitrise ? L'âme ne le voyait pas et moi je ne la regardais pas. Seulement, nos regards se croisèrent et l'évidence battait désormais la cadence. Nous décidâmes de nous y abandonner. (à suivre...) Alain, je tiens à te remercier pour ton aide et pour tes précieux conseils qui m'ont beaucoup aidés dans l'écriture de ce texte. La nuit, c’est bien mieux pour écrire la nuit. Une fois la masse couchée on n’a plus à subir les dérangements. Pourquoi se refréner la nuit ? Pour qui ? On s’abandonne aux sensations, on peint les silences, on imprime les émotions. Quand tout devient noir, on éclaire ce qui doit l'être.
Je n’ai jamais pensé que je pourrais écrire, je n’ai jamais pensé qu’il me fallait écrire. Je n'ai pas eu le choix, j’écrivais. J’écrivais depuis que l’hapax existentiel avait eu lieu ; un appel de l’écriture, une convocation de la littérature. J’avais assisté à la rencontre de l’écriture et de l’esthétisme. Depuis, celle-ci était devenue une obsession. Si la rencontre de l’écriture et de la pensée me fascine, j’éprouve quelque chose d’encore plus intense face au style. Ceux d’Arthur Rimbaud et de Louis Ferdinand Céline ont mes faveurs. Tous deux très différents ; même état d’exaltation, même vertige. Qu’il me serait plaisant d’avoir le talent d’Arthur Rimbaud pour pouvoir comme lui fixer des vertiges. Je dois échapper aux intentions, je dois m'éclipser dans la nuit. Apprendre encore, travailler davantage et ne plus s'embarrasser de vouloir être compris. La nuit, c’est bien mieux pour écrire la nuit. J’y réveille les esprits, reprends les miens et en use. Les émotions sont à présent saisissables et il ne me reste qu’à les dominer. À moi de les dompter ! 5h30, gare de Lille Europe. La nuit s’achève, le voyage s’ébauche. Les lueurs ternes de la ville disparaissent dans l’oubli et cèdent leur place à la sombre matinée d’hiver. Le wagon-bar est à proximité, aucun voisin n’est à appréhender.
Les innombrables nuances de l’aube se déploient dans le paysage. Villages et bourgs apparaissent, surgissant de nulle part tels ces hameaux sinistres qui subissent mon jugement ridicule. Je m’interroge en les regardant ; leurs occupants sont-ils heureux ? Perhaps, perhaps, perhaps. Un allongé puis un second. J’absorbe. Les prouesses qui furent miennes la nuit passée me confèrent d’accablantes douleurs. J’encaisse. Dévorant les Marlboro light au rythme aléatoire des arrêts, j’impose à mon état une grisaille nauséabonde, pareille à ce brouillard qui engloutit le tableau lugubre. Spleen. Un sommeil fortuit vole au temps l’attente. Me voilà rendu en Avignon. En même temps que les gares se succèdent d’agréables évocations. J’offre à ce texte une première fin puis je reviens sur les mots que je pensais avoir scellés. Car je peux dire que la peur s’en est allée. La violence des souvenirs qu’hier encore je qualifiais d’inqualifiables semble fléchir sous les coups que je porte à l’influence. Il m’a fallu mener une guerre contre la considération factice. Il m’a fallu affronter d’imaginaires valeurs. Le temps pour complice, l’honneur pour compère ; aurais-je gagné mon combat ? Perhaps, perhaps, perhaps. |