Menu
sJe suis au salon nautique d'Antigua, dans les Caraïbes. Nous sommes au moment de l'entre-deux tours des élections régionales en France. Je suis en train de lire la correspondance échangée entre Rimbaud et Verlaine. Face à moi la mer, superbe lagon. Laissez-moi là avec du papier et un stylo. Attendez le résultat. Le voici, c'est prêt !
La mer arbore une parure d'émeraudes de Chivor et de saphirs de Ceylan. Ses mille et une couleurs ondoyantes me rappellent l'imprévisibilité de la pensée. De fulgurants rayons de soleil octroient au lagon le turquoise. Le beau lagon béat, paisible, placide. Son pacifisme est tel qu'il lui confère des airs de Pacifique. Soudain, d'immondes nuages s'invitent dans l'immensité du ciel, son âme soeur, le plongeant ainsi dans l'obscur. L'inopiné nimbus teinte alors ses eaux de bleu marine. Lapis-lazuli luciférien d'abord, blême bleu de Berlin implacable par la suite. Impraticable pour bateaux à voiles et homme aux semelles de vents. Nonobstant les obstacles de l'imbuvable mer, j'y plonge et je fais fi des froussards et maudits. Convaincu du triomphe de l'homme bien entrainé, je nage vers mon grand rêve. Cristallines eaux d'Europe.
1 Commentaire
Précédée par les réjouissances l’euphorie s’installe inéluctablement. Comme si elle n’était pas suffisante elle me conduit, pauvre insouciant, aux portes de l’ivresse.
L’ivresse, état de déraison tel qu’il nous impose de renoncer à notre moralité et à abandonner la probité. Bien que lucide je me le concède et rejoins la troupe en liesse, réfugiée dans une sorte de béatitude délibérément orchestrée, à grand renfort de mélanges aussi concrets que spirituels. Assisté de spiritueux l'état parallèle me borde dans son berceau d’insouciance. Les amis sont là. Les autres aussi. Ca s’étonne, ça s’exclame, ça se pâme de joie. Ca picole, souvent fume et ça joue les chimistes. Chacun déballe son grand numéro. Drôles de numéros. Quid du mien ? Le numéro qui tombe pile me fait m’interroger quant au mien. L’insolente trentaine, l’arrogante dizaine, l’outrecuidante manifestation du temps qui passe. J’eus beau tenté en vain de le sous-estimer, le chiffre n’accepte le mépris et m’impose un bilan. Au cours de l’hautaine vingtaine je crus que mes mots suffisaient à traduire ma passion. J’optai pour la facilité. Je découvris la vanité. L’aurore sera donc sans joie, cette nuit est maudite et son lendemain pareil. Si j’avais été génial : “les aubes sont navrantes, toute lune est atroce et tout soleil amer”. C’est promis. Juré. J’arrête mon numéro. Drôle de numéro. Nice, 31 Décembre, 20 heures. La lumière jaune de la bougie et mon paquet de cigarettes pour seuls compagnons. Lorsque j'écris je me sens libre. C'est donc ainsi que je passe mon réveillon du jour de l'an. Libre. Le silence de mon téléphone portable m'est insupportable. Il me rappelle que je n'ai pas eu le choix.
Je n'avais pas prévu d'être seul à l'approche de minuit. Je manque trop d'audace, de courage et de résignation. Acculé à la faillite sociale, l'impérieux réveillon m'impose la solitude que j'eus jadis évitée avec adresse. Fidèle à mon habitude, je m'octroie l'ignorance jusqu'à m'amuser du titre de Madame Figaro : "Ne rien faire pour le nouvel an, le nouveau chic". "Quod donare mora nequit annua, dat brevis hora" (proverbe latin "il arrive en une heure ce qui n'arrive pas en une année) Mais enfin, où suis-je en train de m’aventurer ? Au diable le conformisme des bien-pensants ; la solitude ne fait pas de moi un marginal et personne ne salira mon vertueux réveillon ! Si de médiocres accointances auraient pu m’empêcher de profiter de moi-même, je m’offre en cet instant la pleine jouissance de mon âme. À quel plus beau 31 aurais-je pu rêver ? J’embrasse la lumière jaune de la bougie avec une Malboro, je savoure le silence ambiant et je vis. Libre. |