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Précédée par les réjouissances l’euphorie s’installe inéluctablement. Comme si elle n’était pas suffisante elle me conduit, pauvre insouciant, aux portes de l’ivresse.
L’ivresse, état de déraison tel qu’il nous impose de renoncer à notre moralité et à abandonner la probité. Bien que lucide je me le concède et rejoins la troupe en liesse, réfugiée dans une sorte de béatitude délibérément orchestrée, à grand renfort de mélanges aussi concrets que spirituels. Assisté de spiritueux l'état parallèle me borde dans son berceau d’insouciance. Les amis sont là. Les autres aussi. Ca s’étonne, ça s’exclame, ça se pâme de joie. Ca picole, souvent fume et ça joue les chimistes. Chacun déballe son grand numéro. Drôles de numéros. Quid du mien ? Le numéro qui tombe pile me fait m’interroger quant au mien. L’insolente trentaine, l’arrogante dizaine, l’outrecuidante manifestation du temps qui passe. J’eus beau tenté en vain de le sous-estimer, le chiffre n’accepte le mépris et m’impose un bilan. Au cours de l’hautaine vingtaine je crus que mes mots suffisaient à traduire ma passion. J’optai pour la facilité. Je découvris la vanité. L’aurore sera donc sans joie, cette nuit est maudite et son lendemain pareil. Si j’avais été génial : “les aubes sont navrantes, toute lune est atroce et tout soleil amer”. C’est promis. Juré. J’arrête mon numéro. Drôle de numéro.
2 Commentaires
"Tiens, un alexandrin, ça devient vraiment une habitude et rien, je dis bien rien n'est plus facile que les alexandrins". (Brigitte Fontaine,)
Trente glorieuses aveuglantes, quatre-vingt libérales Bien qu’An 2000 banal, économie croissante On vit pour nos iPhones, on vit pour nos portables Inventions formidables, qui ne rapprochent personne Mais que dirait Baudelaire, mais qu’est-ce qu’il en serait De sa belle passante, sa fugitive beauté ? Si mes alexandrins semblent être obsolètes Ils dénoncent un déclin, ma nostalgie peut-être Nice, 31 Décembre, 20 heures. La lumière jaune de la bougie et mon paquet de cigarettes pour seuls compagnons. Lorsque j'écris je me sens libre. C'est donc ainsi que je passe mon réveillon du jour de l'an. Libre. Le silence de mon téléphone portable m'est insupportable. Il me rappelle que je n'ai pas eu le choix.
Je n'avais pas prévu d'être seul à l'approche de minuit. Je manque trop d'audace, de courage et de résignation. Acculé à la faillite sociale, l'impérieux réveillon m'impose la solitude que j'eus jadis évitée avec adresse. Fidèle à mon habitude, je m'octroie l'ignorance jusqu'à m'amuser du titre de Madame Figaro : "Ne rien faire pour le nouvel an, le nouveau chic". "Quod donare mora nequit annua, dat brevis hora" (proverbe latin "il arrive en une heure ce qui n'arrive pas en une année) Mais enfin, où suis-je en train de m’aventurer ? Au diable le conformisme des bien-pensants ; la solitude ne fait pas de moi un marginal et personne ne salira mon vertueux réveillon ! Si de médiocres accointances auraient pu m’empêcher de profiter de moi-même, je m’offre en cet instant la pleine jouissance de mon âme. À quel plus beau 31 aurais-je pu rêver ? J’embrasse la lumière jaune de la bougie avec une Malboro, je savoure le silence ambiant et je vis. Libre. |